Tahar Rahim : « Aznavour, c’est la bande originale de notre enfance » (2024)

Quelle est la première chanson que vous avez entendue d’Aznavour?

Je ne sais pas parce que, pour moi, Charles appartient à tout le monde. C’est la bande originale de notre enfance, de notre adolescence. Mes parents l’écoutaient, tout le monde l’écoutait, à la radio, dans les taxis, dans la rue. Il y a toujours une chaise vide pour lui au cas où il viendrait sonner à la maison. Ça m’a toujours fait l’effet qu’on ressent quand on entend un concert en plein air, auquel on n’a pas forcément accès, qu’on entend en écho et qui traverse les murs.

Aviez-vous une bonne image de lui? Le film ne montre pas que ses bons côtés…

Oui, j’avais une bonne image de lui parce que je ne connaissais pas son histoire. Il était très sympathique mais, dans le film, on ne l’épargne pas et on ne doit pas le faire. On est tous humains, tout faillibles. C’est important de donner de l’aspérité aux personnages. Il ne faut pas mentir sur la matière et c’est ce qui est intéressant. Et puis il a eu des moments difficiles. Si, tout à coup, on présente un personnage qui est impeccable de A à Z, comment s’identifier? Personne n’est parfait.

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Comment avez-vous procédé?

Pour trouver le personnage, je cherchais le «dark side» (côté sombre) qu’on retrouve dans les biopics. Quand ce sont des stars dont tout le monde connaît la vie, ça nous impose des contraintes dans lesquelles il faut trouver une liberté. Certains sont passés par des phases de drogue, de tromperie ou de prison. Là, il n’y avait pas ça. On a travaillé avec des psychologues, on a creusé. Ils retournent des pierres, apportent des éclairages qui peuvent nous servir directement dans le film ou qui viennent simplement nourrir le personnage sans être visibles. Mais on a trouvé une malédiction. Aznavour, c’est quelqu’un qui ne sera jamais heureux. Quand on veut atteindre ses objectifs à tout prix, parfois, on passe à côté de l’essentiel, de sa famille, de ses enfants. Ça crée une fêlure, comme la mort de son fils. Et il s’enferme dans ce que j’appelle sa bouée de survie qui était, chez lui, l’écriture.

Le plus dur, était-ce d’apprendre le chant, la musique ou la danse?

Peut-être le chant: six mois, huit heures par semaine. Le chant et la danse, en plus d’être comédien, ça apporte des contraintes techniques dont il faut se libérer pour pouvoir jouer. En plus, Charles Aznavour, tout le monde connaissait sa voix, tellement singulière. J’avais la chance d’avoir une tessiture, un timbre, un voile rauque… Il fallait que ça marche: il y avait «Elvis» qui sortait à ce moment-là au cinéma et le comédien avait fait un travail étonnant. Pourtant, la voix, c’est ce qui est venu le plus vite.

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Allez-vous devenir chanteur?

Non (rires). Quand je travaille, j’envoie toute mon énergie. Dans la chanson «Comme ils disent», je n’ai appris que l’extrait que je chantais. Je n’avais pas le temps pour m’éparpiller. Je suis un réservoir et, quand je termine un rôle, je siphonne le réservoir pour passer au personnage d’après.

Tahar Rahim: «Aznavour, c’est la bande originale de notre enfance» (1)

Dans le personnage de Charles Aznavour, avez-vous découvert des points communs avec vous?

En chemin, j’ai découvert que nous étions enfants d’émigrés, issus du même milieu social, avec l’envie commune d’explorer des langages différents, la combativité, même si la sienne est olympienne (rires). Mais, au début, j’ai beaucoup douté: je ne lui ressemblais pas, je n’avais pas la même taille, pas la même voix, pas la même corpulence. J’ai demandé à Jean-Rachid Kallouche, le gendre et producteur du film, que je connaissais, son avis. Il m’a répondu que lui-même avait des réserves, et Katia, sa femme, la fille du chanteur, aussi. Ça m’a rassuré. J’avais peur que ce soit une fausse bonne idée, qu’on s’engage dans un truc corps et âme sans réfléchir et que, finalement, ça ne marche pas. J’ai dit oui et les peurs ont été balayées par le challenge!

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Qu’en a pensé la famille?

Katia, la fille qu’il a eue avec sa troisième femme, Ulla, est venue nous voir sur le tournage et nous a dit «j’ai l’impression de voir mon père». Quand on tente des choses aussi folles et risquées et qu’elle dit ça, elle confirme la direction que l’on a décidé de prendre. Ça donne des ailes. Sans cela, sans cette validation, j’aurais eu un goût amer dans le cœur.

La métamorphose physique était-elle compliquée?

Ce sont des heures de maquillage. On se lève plus tôt que tout le monde, on porte une prothèse sur le visage qui demande de l’entraînement, pour pouvoir parler de façon subtile ou grandiloquente, en fonction des moments. Il faut trouver l’équilibre afin d’être complètement crédible.

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Vous avez dit avoir pris le temps de vous installer dans ses pompes. Quand est-ce qu’on se dit qu’on y est?

Je ne me dis jamais qu’on y est. Jusqu’à la dernière minute. D’ailleurs, on a réenregistré en studio des chansons qui, au début, n’étaient pas suffisamment confortables pour l’oreille du spectateur, des mois après le tournage.

Tahar Rahim: «Aznavour, c’est la bande originale de notre enfance» (2)

Quelle chanson de Charles Aznavour préférez-vous?

Une me touche particulièrement, même si j’en ai découvert des dizaines et qu’il en a écrit un millier, c’est «Le Feutre taupé». C’était du swing mais aussi un peu l’ancêtre du rap!

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Vous avez énormément maigri: allez-vous bien? Vous préparez un nouveau rôle? On évoque Julia Ducournau…

(Rire) Je vais très bien, merci. J’avais beaucoup maigri pour Aznavour, j’ai repris du poids et, là, je dois en reperdre énormément. Mais je n’ai pas le droit d’en parler!

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«Monsieur Aznavour», de Grand Corps Malade et Mehdi Idir, avec aussi Bastien Bouillon, Marie-Julie Baup. Sortie le 23 octobre 2024.

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Author: Horacio Brakus JD

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